Histoire de recherche
Senseurs obturés par du ruban adhésif, fermetures automatiques de store entravées… l’automatisation des bâtiments se heurte régulièrement à la perception négative qu’en ont les utilisatrices et les utilisateurs. Or, pour atteindre ses objectifs d’amélioration du confort et d’économie d’énergie, l’automatisation a besoin de leur adhésion. Mené par l’Institut Human-IST de l’Université de Fribourg, le projet LUCIDELES vise à optimiser la gestion de la lumière en favorisant l’éclairage naturel et à tester les réactions face à un dispositif de contrôle intelligent. Le but: mieux comprendre les mécanismes d’appropriation de ce système.
«Généralement, les systèmes sont optimisés par rapport à l’efficacité énergétique, aux économies potentielles et à des facteurs de confort modélisés, relève Julien Nembrini, chercheur et enseignant auprès de l’Institut Human-IST à l’Université de Fribourg. Mais ils sont rarement confrontés à l’être humain qui va les utiliser.» En collaboration avec Jérôme Kaempf, de l’Institut de recherche Idiap, à Martigny, et grâce à un partenariat industriel avec l’entreprise Regent Lighting, à Bâle, son groupe de recherche a développé un projet autour de la gestion de la lumière en plaçant l’humain au centre de l’étude. Les essais sont menés en parallèle à l’Idiap et dans le laboratoire CELLS (Controlled Environments for Living Lab Studies) du Smart Living Lab, à Fribourg, ainsi que dans des bureaux de ce centre de recherche sur le futur de l’habitat, avec le soutien technique de l’équipe informatique du Groupe Building2050 de l'EPFL.
«Les systèmes d’automation sont optimisés par rapport à l’efficacité énergétique et à des facteurs de confort modélisés, mais ils sont rarement testés par l’être humain qui va les utiliser.»
— Julien Nembrini, Maître d'enseignement et de recherche, Human-IST, UNIFR
«Notre projet LUCIDELES comprend deux volets, explique Julien Nembrini. D’abord, nous avons mis au point un système d’automatisation qui permet d’optimiser la gestion de la lumière d’un espace de travail en priorisant la lumière naturelle.» Spécialisé dans le domaine, l’Idiap a modélisé les volumes concernés ainsi que l’impact de la lumière du soleil pour gérer à la fois les apports de lumière artificielle, mais aussi les stores et leur inclinaison.
En partant de simulations de la lumière nécessitant un temps de calcul important, le système a été progressivement simplifié par apprentissage automatique pour obtenir une prédiction immédiate. «Avec un objectif: optimiser le confort de la personne, tout en réalisant des économies d’énergie», rappelle le chercheur de l’Université de Fribourg.
Tester le système en conditions réelles
S’ouvre alors le deuxième volet du projet LUCIDELES: le système d’automatisation de la lumière est confronté à des utilisatrices et à des utilisateurs. «Avec deux niveaux d’essai, précise Michael Papinutto, doctorant en psychologie et chercheur à l’Institut Human-IST. Un premier où des volontaires se prêtent au jeu dans un bureau-laboratoire, pour lequel nous avons la maîtrise de tous les facteurs. L’idée est à la fois d’optimiser la gestion automatique et de voir comment les gens réagissent face à ce système.»
En plus d’un formulaire sur leur ressenti, les volontaires doivent également répondre à un questionnaire de personnalité. « Comme base de travail, nous avons émis un certain nombre d’hypothèses sur l’acceptation ou non des systèmes d’automatisation », ajoute Michael Papinutto.
Le deuxième niveau d’essai se veut plus proche de la réalité. Le système d’automatisation a été installé dans un des espaces de bureaux du Smart Living Lab, situé dans le quartier d’innovation Bluefactory, à Fribourg. Là, les collaboratrices et les collaborateurs peuvent donner certaines préférences au système de gestion de la lumière, soit directement par les boutons de leur lampe de bureau, soit par une application en ligne. Ils ont également la possibilité d’éteindre ou d’allumer eux-mêmes le système par un bouton interrupteur.
«Plusieurs études ont déjà été menées sur l’appropriation de l’automatisation, reprend Julien Nembrini. Elles tendent à montrer une meilleure adhésion lorsqu’une influence de l’humain reste possible et lorsque ce dernier comprend le système auquel il est confronté.» LUCIDELES vise à déterminer plus précisément ces critères d’adhésion afin d’améliorer l’acceptation, d’optimiser le confort et, en définitive, d’économiser davantage d’énergie.
«Plusieurs études tendent à montrer une meilleure adhésion lorsqu’une influence de l’humain reste possible et lorsque ce dernier comprend le système auquel il est confronté.»
Un projet suisse lié à l’Agence internationale pour l’énergie
Le projet LUCIDELES est lié à une tâche définie par l’Agence internationale pour l’énergie pour laquelle la Suisse a décidé de s’impliquer. Il s’agit d’étudier les rapports entre lumière naturelle et artificielle utilisées dans les bâtiments et le rapport des utilisatrices et des utilisateurs avec les systèmes proposés pour gérer l’utilisation de ces différentes sources lumineuses, dans un objectif d’économie d’énergie. L’Office fédéral de l’énergie (OFEN) finance en partie les travaux de recherche. Parmi ses exigences figure l’implication d’un partenaire industriel afin que les projets soutenus tendent à des applications réelles. LUCIDELES bénéficie ainsi du soutien de l’entreprise Regent Lighting. Basée à Bâle, elle compte parmi les principaux fabricants de luminaires en Europe.
Texte: Sophie Roulin / Images: Guillaume Perret
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Julien Nembrini
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